Mentoring

Les talents techniques féminins existent, encore faut-il savoir les encourager

En Suisse, les femmes sont étrangement sous-représentées dans les MINT (Mathématiques, Informatique, Sciences naturelles, Technique). Il existe différents programmes scolaires visant à équilibrer la représentation des sexes dans ces professions. C'est notamment le cas de Swiss TecLadies, formule de mentorat initiée par l’Académie suisse des sciences techniques (SATW). Yousra Sidqi et Natasha Landry, qui l'ont expérimentée, témoignent.

Le constat se répète depuis des années: les femmes sont les grandes absentes des métiers de la technique et de l'informatique. Cette discrétion n'a rien à voir avec leurs intérêts ou leurs capacités, mais bien avec les stéréotypes liés au genre. Pour le dire vite, «les maths, ce n'est pas pour les filles».

Parce que notre société a tout à gagner à une meilleure mixité dans les métiers de la tech et de l'ingénierie (pénurie de main-d'œuvre qualifiée, conséquences sociétales, économiques, etc.), différentes initiatives ont vu le jour afin de promouvoir la relève féminine. Elles se répandent non seulement dans le cadre scolaire, mais aussi extra-scolaire.

Des programmes pour faire bouger les lignes

Parmi ces programmes figurent notamment le Coding club des filles, projet de l'EPFL destiné aux 11-16 ans ou encore Girls@HEScamps d'immersion proposés par la HES-SO Valais-Wallis aux 10-14 ans.

Pensons aussi aux ateliers-découverte WINS (Women In Science) de la Fondation FocusTECH, à ceux d'ICT Scouts / Campus, à l'offre d'enseignement des nouvelles technologies proposée par Empowerment Lab, au travail d'une association comme MOD-ELLE ou à une plateforme telle que Find your Future, qui valorise la branche MEM (industrie des machines, des équipements électriques et des métaux). Sans oublier les journées Futur en tous genres, qui permettent aux jeunes Suisses (garçons compris) de réfléchir au choix d'une carrière professionnelle sans idées préconçues.  

Swiss TecLadies, un accompagnement sur la durée

En 2018, l’Académie suisse des sciences techniques (SATW), alertée par les conclusions de son baromètre MINT pour la relève de 2014, lançait Swiss TecLadies. Objectif, accompagner une centaine de jeunes filles de 13 à 16 ans par le biais d'un programme de mentorat intensif et ce, sur la durée d'une année scolaire. La mentore partage sa passion pour son métier, conseille et encourage sa mentorée, qui de son côté peut s'identifier à un role model. Le programme, qui mise aussi sur le renforcement de la confiance en soi des jeunes filles, est complété par des ateliers permettant de découvrir la richesse et la diversité des métiers techniques.

Les anciennes mentores et mentorées du programme intègrent ensuite le Swiss TecLadies Network. Ce réseau national leur permet de rencontrer des femmes partageant les mêmes intérêts lors de divers ateliers et événements, et de progresser dans leur carrière. Il offre un système de coaching actif unique en Suisse, avec l'attribution de «marraines», et des possibilités concrètes de s'engager en faveur des jeunes talents.   

Yousra Sidqi et Natasha Landry, exemple d'un binôme mentore-mentorée

Yousra Sidqi et Natasha Landry ont partagé l'expérience du programme Swiss TecLadies durant l'année scolaire 2020-2021. Docteure en génie électrique, chercheuse à l'Université de Lucerne, la première est membre du groupe de direction du réseau Swiss TecLadies. La représentation féminine dans les métiers techniques lui tient particulièrement à cœur: «Cela m'attriste de constater qu'il y a encore moins de femmes dans ces branches qu'au moment où j'ai fait mes études. Croire qu'elles ne s'intéressent pas à ces domaines est tout simplement une construction patriarcale.»

Natasha Landry, sa mentorée, est bien décidée à faire partie de ces femmes exerçant une profession MINT. A 18 ans, celle qui a choisi l'option sciences pour son cursus au lycée-collège de Saint-Maurice (VS), a postulé au programme de la SATW «un peu par hasard». Même si son déroulement a été perturbé par les restrictions liées au Covid-19, réduisant le nombre d'événements «en présentiel», la jeune fille tire un bilan très positif de l'expérience.

«Inspirant de voir certaines femmes qui ont réussi»

Bien qu'elle n'ait pas pu voir sa mentore dans son bureau (Yousra Sidqi était en télétravail) ni visiter le CERN, chez Natasha Landry l'enthousiasme l'emporte nettement sur la frustration. «Le programme m'a apporté beaucoup de connaissances, une nouvelle manière de voir les choses et une ouverture d'esprit sur certains métiers qui, a priori, ne m'intéressaient pas trop. Toujours en savoir plus, par exemple sur la recherche, c'est une manière d'assurer son avenir le mieux possible.»

Les rencontres avec des professionnels et avec d'autres jeunes étudiantes, lui ont également été précieuses. Car elle le sait bien, rien ne lui sera donné: «Il règne un certain machisme dans les domaines qui m'intéressent, donc il faudra m'imposer. C'est inspirant et encourageant de voir certaines femmes qui ont réussi.»

La conviction qu'une femme peut tout faire

Natasha Landry n'a pas attendu sa participation à Swiss TecLadies pour penser que tout était «possible et réalisable» pour une femme. «J'ai toujours eu cette idée, lance-t-elle dans un sourire. Le programme a encore renforcé cette conviction.» Une autre certitude l'anime: «Il faut faire le choix qui nous correspond et non celui qu'on veut nous imposer, et y aller à fond. Le regard des autres, on s'en fiche. En plus nous, les filles, on est capable de faire beaucoup plus que ce que certaines personnes croient!»

Yousra Sidqi confirme: «Les femmes excellent plus que les garçons dans ces spécialités MINT, peut-être parce qu'elles doivent bosser mille fois plus pour prouver qu'elles ont leur place. Les garçons, eux, n'ont pas à prouver leur légitimité… Nous sommes en 2021, mais il n'est toujours pas facile pour nous d'aller dans ces filières, parce qu'on sait que l'on va être confrontée au sexisme. Quand on a 16 ou 17 ans, c'est vraiment un choix difficile à poser.»

Au-delà du programme, une relation humaine

Si elle regrette de «ne pas avoir pu donner davantage» en raison de la situation sanitaire, la scientifique a joué les mentores avec bonheur. «C'est un rôle assez délicat. Etre mentore ne signifie pas materner, la société le fait déjà suffisamment!» Yousra Sidqi n'a pas cherché à pousser Natasha vers quoi que ce soit, ni à lui donner des directives. «Je me suis considérée comme la pote de Natasha qui a fait quelques études de science. L'idée est de la laisser libre et, si elle souhaite me poser des questions ou me demander des conseils, elle sait que je suis disponible.»

Entre ces deux jeunes femmes, séparées par une dizaine d'années seulement, s'est nouée une belle relation humaine. «Notre lien ne s'arrête pas avec le programme, souligne l'aînée, Natasha pourra toujours m'appeler.»

Prête à endosser une nouvelle fois le costume de mentore, Yousra Sidqi rêve d'un monde où de tels programmes ne seraient plus nécessaires. «J'espère qu'on dira bientôt aux filles qu'elles peuvent se lancer dans les maths, la physique ou l'électricité aussi bien que les garçons! Et qu'on dira aux garçons qu'ils peuvent non seulement devenir pilotes, mais aussi infirmiers ou coiffeurs, que ce ne sont pas des métiers prédestinés aux filles.» Natasha Landry, qui recommanderait sans hésiter le programme de la SATW à ses copines, n'envisage son futur que dans un métier technique. L'avenir lui appartient.

Contacts

Edith Schnapper
Responsable Promotion de la relève
Tél. +41 44 226 50 26
edith.schnapper(at)satw.ch

Alexandre Luyet
Responsable Suisse romande
Tel. +41 79 464 89 60
alexandre.luyet(at)satw.ch

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